Sylvain v2.0

Ce petit livre d’un peu plus de 200 pages tente de faire le point sur les techniques actuellement disponibles pour la gestation artificielle. Sans être trop technique il donne une bonne idée des défis que la biotechnologie tente de relever.

Les objectifs sont bien entendu thérapeutique mais, comme le souligne l’auteur, il est évident que les utilisations seront bientôt toutes autres et viseront un champ plus large.

Ni critique, ni même un résumé, ce billet a pour vocation d’éclairer mes anciens collègues d’Amadeus qui se sont trouvé bien surpris en voyant cet ouvrage dans ma liste Amazon. Encore merci pour les livres!

Un défi technologique

Le titre de l’ouvrage plonge sans aucun doute le lecteur dans un contexte de science-fiction ou le « Meilleur des Mondes » d’Aldous Huxley rejoint les mystérieuses cuves Axoltl décrites par Frank Herbert dans Dune.

Pourtant le but de l’auteur n’est pas la spéculation sans fondements. Bien au contraire c’est un véritable bilan technologique qui nous est présenté, montrant plus en détail comment les bébés éprouvettes d’hier ont bon espoir de voir leur gestation entièrement construite hors du corps humain. À l’autre bout du chemin se sont les grands prématurés qui peuvent voir leurs espérance de vie multipliée par les technologies de gestation artificielles.

Le défi est entre ces deux groupes. Mais il n’est pas question de savoir si une gestation peut être menée de bout en bout. C’est bien le moment de la réalisation qui est au cœur des interrogations.

Un champ philosophique et éthique

Cette nouvelle technologie ouvre de nouvelles perspectives pour l’avenir de la reproduction mais aussi dans d’autres domaines.

La biotechnologie ouvre en effet la porte au monde des chimères. Ces créatures dignes du Docteur Moreau sont le résultat du mélange d’espèces différentes. Dans un tel monde, quelle est la part d’humanité que nous pourrions accorder à un individu issue de l’insertion d’ADN humain dans un ovule de lapin ? Si aujourd’hui aucun individu viable ne semble possible à partir de tel combinaison inter-espèces, rien ne dit que cela ne sera pas possible demain.

Les manipulations génétique remettent en cause nos définitions religieuses et légales de la notion de fœtus et d’humanité. Ces concepts remettent en cause des acquis légaux, sociaux, politique et religieux.

C’est demain la définition même d’humanité que nous devront probablement redéfinir pour l’ouvrir plus largement.

Henri Atlan pose ces questions pour ouvrir le débat et l’on peut parier que ce débat va être alimenté pour de nombreuses années encore par les évolutions scientifiques et culturelles.

Pas de réponse, des questions

S’il semble évident que l’on pourra à terme remplacer totalement la mécanique de la gestation, que va-t’il advenir pour autant des échanges affectifs entre la mère et l’enfant? Rien ne semble prendre en compte la phase utérine d’apprentissage du fœtus. Cette échange entre mère et enfant semble pourtant bien être un élément important de la construction de la personnalité affective et sensitive de l’enfant à naitre.

Il est clairement établi que la vie intra-utérine est une phase importante ou l’enfant commence à communiquer avec sa mère et le monde extérieur. C’est un éveil sensitif qui ne pourrait être qu’au mieux différent dans un utérus artificiel.

Une approche trop technique et mécanique de la reproduction humaine pourrait peut-être nous dévoiler des éléments nouveau sur la construction de la personnalité. Je pense qu’il est possible, sinon probable, qu’une fois la gestation artificielle mise en pratique, nous devrons alors trouver comment remplacer ou palier le manque d’interaction entre le fœtus et son environnement.

Références: « L’Utérus artificiel » d’Henri Atlan, Éditions du Seuil.